Stéphane Ricoul, Vice-président, Développement des affaires et partenariats
La vulnérabilité des chaines d’approvisionnement à travers le monde, entrainant au passage une hausse du prix des biens de 6.8% au Canada en 2 ans, aura au moins eu le mérite de sensibiliser au fait que des changements profonds devaient être apportés. Un début de quelque chose avec 15% des entreprises mondiale ayant simplifié la fabrication de leurs produits, et 11% ayant rapatrié localement une partie de leur production selon McKinsey.
Les technologies numériques pour améliorer l’efficacité et réduire les GES
Si les chaines d’approvisionnement semblent faire partie des premiers maillons à renforcer du point de vue de l’économie, elles le sont aussi du point de vue des émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, les huit plus grandes chaînes d’approvisionnement mondiales, que sont l’alimentation, la construction, la mode, l’électronique, les produits de grande consommation, l’automobile, les services professionnels et les transports de marchandises, représentent plus de 50% des émissions de CO2. Les entreprises qui y œuvrent, doivent rapidement apporter des changements efficaces et durables dans leurs modèles d’affaires. Intégrer les technologies numériques peut leur permettre d’une part de mieux comprendre leurs vulnérabilités et pertes potentielles si elles ne font rien, et d’autre part, agir directement sur leur impact environnemental.
Selon Industrie Canada, il est courant pour les entreprises canadiennes de services de logistique et de transport les plus performantes, d’adopter de nouvelles technologies et de modifier leurs pratiques de gestion du transport, afin de pouvoir créer une gestion de la chaîne d’approvisionnement dite verte. Par exemple, l’utilisation de tableaux de bord verts, qui sont des ordinateurs destinés à surveiller les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un véhicule. Mais au-delà des quelques exemples que l’on peut citer, de manière générale le domaine des chaînes d’approvisionnement accuse un certain retard dans sa transformation numérique, avec un niveau de numérisation qui était de 43% seulement en 2017 et bien pire encore, avec un niveau de priorité de 2% uniquement dans la stratégie de numérisation. Alors que l’on sait que l’accès aux données numériques et à leur transformation en valeur informationnelle constitue le cœur même de l’efficacité du mode de fonctionnement d’une chaîne aussi complexe, nous sommes en droit de se demander comment les chaînes d’approvisionnements mondiales entendent atteindre les objectifs de développement durable fixés par l’ONU, notamment le douzième portant sur la réflexion autour de l’impact environnementale et social de l’ensemble de la chaîne de valeur de nos produits.
Et pourtant les données sont là. Tout y contribue. Et elles permettent de réaliser des analyses prédictives basées sur les données historiques pour une prise de décisions pertinentes dans un but d’une optimisation efficiente. Les outils et facilités sont aussi de la partie. Pensons au Cloud Computing, pensons aux Transport Management System, aux ERP, tous ces systèmes qui, mis ensemble, permettent d’être toujours plus efficaces, et accompagnés des fameux algorithmes, qui œuvrent pour l’impact durable et la croissance économique. Et c’est sans compter sur l’internet des objets industriels, appliqué aux transports, comme :
- La gestion de flotte (maintenance prédictive, suivi en temps réel, surveillance…);
- La gestion des stocks et des actifs (gestion d’inventaire intelligente, détection des dommages, visibilité et optimisation…);
- Le géo repérage (gestion des déplacements, planification d’itinéraires…).
On le voit, apporter des changements efficaces et durables dans les modèles d’affaires afin de minimiser l’impact sur la génération de GES, n’est pas une question technologique, mais plutôt une question de volonté. Les technologies sont là, de l’impression 3D à la robotique en passant par l’intelligence artificielle. Mais la planification stratégique d’une transformation numérique ainsi que la planification de l’investissement, requièrent une vision claire de ce que sera la prochaine étape à franchir pour demeurer économiquement compétitif tout en étant respectueux de notre planète.
Selon un sondage Léger mené pour le compte de Talsom, 46% des entreprises du Québec et de l’Ontario se sont doté d’un plan d’investissement numérique, et 60% d’une planification de leur propre transformation numérique, or, il appert que la majorité des entreprises sont conscientes de ne pas capitaliser au maximum sur ce que peut offrir les technologies numériques au niveau de leurs opérations (à 55%) et de leur production (à 52%). Pourtant, selon l’étude de McKinsey, les directeurs des achats s’attendent à ce que la numérisation de leur chaîne d’approvisionnement augmente de 40 % les économies réalisées à l’année et réduise de 30 % le temps passé à rechercher des fournisseurs. À titre d’exemple, Thibaut D’Hérouville, VP Group Industrial Supply Chain de Michelin, le leader mondial du pneu, explique qu’« aux coûts d’approvisionnements intercontinentaux, il faut encore ajouter le coût de la tonne de CO2, du développement ou encore le fait que toutes les usines ne savent pas faire les mêmes pneus. Le calcul d’optimisation de la supply chain revêt un enjeu très significatif en termes de décisions d’investissements sur les sites de fabrication, sur la politique de développement durable, sur les coûts logistiques, sur la qualité de service, etc. ».
Modéliser et simuler des flux complexes, des niveaux de stocks, des fluctuations de la demande, et autres éléments liés aux chaines d’approvisionnement, en temps de pandémie, de crise du transport maritime, dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, face à des objectifs liés au développement durable, et tout ça dans le respect des politiques liées aux ESG, on comprend que le coût/investissement vs bénéfices liés à la transformation numérique est peut-être beaucoup plus avantageux qu’on ne le pense…