Chaque année, les inondations, les sécheresses et les ouragans sont de plus en plus nombreux au Canada. La bonne qualité des terres agricoles en est certainement affectée, ce qui bouleverse évidemment la production alimentaire, cependant les impacts sont de plus grande envergure.   

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La sécheresse en 2021 a dévasté la moitié des cultures de graines de moutarde au Canada qui est l’un des trois producteurs principaux avec l’Ukraine et la Russie. Le climat politique dans cette zone a aussi dévoilé une grande dépendance aux ressources alimentaires ukrainiennes alors que les incidents de rupture en farine, pâtes et huile de tournesol ont frôlé la pénurie. Les catastrophes naturelles continuent, l’instabilité géopolitique demeure et le système agroalimentaire s’en retrouve déstabilisé.  

Le secteur agroalimentaire est donc confronté à un afflux de perturbations qui met en péril la capacité des entreprises à demeurer compétitives. Il est alors judicieux de comprendre les cinq grands enjeux qui entourent l’industrie pour mieux anticiper les mutations du marché :  

  1. Les pénuries de main-d’œuvre et de matières premières 
  2. Le paradigme agroalimentaire de la durabilité 
  3. Les technologies et compétitivité 
  4. Les pressions du libre-échange et des réglementations 
  5. Le marché mondial en croissance 

L’objectif de développement durable (ODD) 8 de l’ONU prévoit améliorer l’efficience de l’utilisation des ressources mondiales pour que la consommation et la production accrues n’entraînent pas la dégradation de l’environnement. C’est d’autant plus enviable considérant l’inflation des prix alimentaires causés par la dégradation des terres et du conflit ukrainien. L’ensemble de la chaîne d’approvisionnement est touché par ces pressions inflationnistes, en passant par le prix des engrais et les coûts de transport  

Le mot d’ordre dans l’industrie agroalimentaire est donc l’adaptation. Face aux pressions inflationnistes, à la demande croissante à l’échelle mondiale, aux pénuries de main-d’œuvre et de terres agricoles, le secteur doit être en mesure de demeurer compétitif tout en rétablissant l’équilibre entre l’offre et la demande. Cet ensemble de facteurs expliquent d’ailleurs pourquoi le nouveau paradigme est à la durabilité. 

Adresser les pénuries de ressources humaines et matérielles 

L’industrie agroalimentaire a été particulièrement affectée par la pandémie puisque les mesures sanitaires aux frontières ont compliqué l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires, la favorisation du télétravail a nui au travail manuel nécessaire dans le secteur manufacturier en plus des prestations d’urgence qui ont découragé le recours à l’emploi.   

Alors que le secteur peine à engager localement et que les travailleurs étrangers constituent une ressource incertaine, les solutions immédiates manquent. Une augmentation des salaires risquerait de faire augmenter le prix des aliments, sans compter que leur disponibilité sur les tablettes n’est pas garantie compte tenu des 28 000 postes vacants selon Food and Beverage Canada 

Le prix des aliments risque également d’être affecté par la pénurie et la hausse des coûts des matières premières. La crise climatique et les pressions urbaines occasionnent une détérioration des terres agricoles, notamment par des sécheresses comme celles en Californie qui ont forcé la délocalisation des productions de Driscoll’s, un des plus grands producteurs de fruits. Le prix des terres agricoles a grimpé de 900% depuis 25 ans et ce, sans pour autant que les revenus des fermes augmentent. Selon l’Union des producteurs agricoles, 400 hectares de terres agricoles par année sont perdus à cause de projets urbains tels que le troisième lien entre Québec et Lévis.  

C’est donc dire que le capital de terres agricoles est en baisse et leur état est instable. Si l’optimisation de leur usage est envisagée, il n’en demeure pas moins que l’expertise en génie alimentaire est également en pénurie. D’après l’Université Laval, les ingénieurs agroalimentaires sont en situation de plein-emploi au Québec. Leur expertise est pourtant indispensable dans l’élaboration de solutions technologique pour pérenniser le secteur. Néanmoins, le développement durable et les besoins informatiques et logiciels touchent tous les secteurs et l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) peine à attirer suffisamment de personnes dans la profession pour soutenir la croissance.    

Selon la Table sectorielle en agroalimentaire, le Canada a de la difficulté à s’automatiser et se numériser alors que la compétition s’accentue. Les pénuries d’ingénieurs et de terres agricoles force la hausse des coûts et nuisent à la compétitivité de l’industrie agroalimentaire canadienne. Afin de pouvoir soutenir la concurrence par l’automatisation et la numérisation dans le secteur agroalimentaire, il sera nécessaire de trouver une main-d’œuvre possédant les compétences adéquates.  

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Le paradigme agroalimentaire de la durabilité 

Des tendances s’installent tant chez les consommateurs que dans l’industrie : l’importance des produits de qualité et la valorisation des produits agricoles. L’approvisionnement durable domine (44%) les objectifs de durabilité exprimés par les organisations, entreprises et gouvernements, suivi des émissions de GES (16%) et de l’utilisation des terres (16%). Du côté de la population, 82% des québécois achètent davantage de produits locaux.  

Concrètement, ce mouvement s’observe par des initiatives de réduction de GES et d’empreinte écologique. Par exemple, le Canada a investi 3,9 millions de dollars dans le développement de technologies pour réduire l’usage de pesticides et la perte de cultures. Cela s’additionne à la loi sur les pesticides qui vise à accompagner les entreprises dans leur utilisation de pesticides.  

Repenser et optimiser la filière alimentaire s’appuie donc sur des perspectives de durabilité et de transparence. Ainsi, tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement tendent vers une économie circulaire. La transparence signifie également une conscience accrue pour la santé des consommateurs, laquelle se traduit en la prolifération d’innovations pour la traçabilité des produits. 

Les technologies et la compétitivité  

Lorsqu’on considère la pénurie et la hausse du coût des matières premières, la pénurie de main-d’œuvre et la promotion de la durabilité dans la chaîne d’approvisionnement, la solution dominante est le recours à l’innovation technologique. Les investissements pour promouvoir le développement des innovations proviennent tant du gouvernement que des entreprises et autres acteurs économiques. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et Environnement et Changement Climatique Canada (ECC) ont annoncé un investissement pouvant atteindre 3,9 millions de dollars pour mettre au point une technologie qui permet de réduire les pesticides et les pertes de culture. 

Les entreprises, quant à elles, se lancent dans le processus de d’adoption de technologies. Ce procédé inclut des audit 4.0 des opérations clés de l’entreprise pour déterminer les possibilités d’automatisation et d’optimisation de performance via la numérisation.  

L’innovation numérique offre un éventail toujours en croissance de possibilités à valeur ajoutée pour demeurer compétitif dans l’industrie agroalimentaire. Ces opportunités adressent directement les plus grands enjeux du secteur et ce, à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement d’après le Forum économique mondial. L’implantation de technologies de détection d’aliments par imagerie hyperspectrale permet entre autres une traçabilité des produits plus efficace, laquelle impacte la santé des consommateurs, la transparence de l’entreprise et les dépenses de transport de marchandise et de rappels de produits.  

D’autres technologies telles que le commerce électronique et l’Internet des Objets (IoT) ciblent le déséquilibre entre l’offre et la demande alimentaires occasionné par la pandémie, le climat politique et la croissance économique. Non seulement ce type d’innovations permet de réduire les émissions de niveaux 1, 2 et 3, elles contribuent également à développer des emplois à valeur ajoutée dans l’industrie. Effectivement, en déléguant une part du fardeau de la production à la technologie, ça permet à la main-d’œuvre de développer des compétences additionnelles qui conjointement facilitent la résilience de l’approvisionnement agroalimentaire canadien.  

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Les pressions du libre-échange et des nouvelles réglementations 

Le Canada a l’ambition de devenir un chef de file dans l’industrie agroalimentaire. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement agit de sorte que les conditions de travail dans le secteur soient exemplaires et que la chaîne d’approvisionnement reflète les valeurs des consommateurs, spécialement la durabilité et la transparence. Ainsi, les entreprises doivent également s’accommoder aux divers accords commerciaux et diverses réglementations gouvernementales.  

Pour limiter le déversement des milliards d’objets de plastiques dans les océans et l’ingestion de microplastiques, l’interdiction de 6 produits de plastiques à usage unique sera en vigueur au Canada en 2023 et la possibilité d’étendre la loi à d’autres produits est envisagée. 1,3 million de tonnes de produits de plastique seront éliminées des sites d’enfouissement en plus d’occasionner la création de 42 000 emplois au Canada d’ici 2030. Les entreprises, elles, contribuent avec des emballages compostables, recyclables, comestibles et plantables et une étiquette carbone pour lutter à l’écoblanchiment (« greenwashing »). L’élimination des plastiques à usage unique s’accorde également avec le Plan de réduction des émissions du Canada pour 2030  qui alloue un investissement d’un milliard de dollars à la l’agriculture durable. 

Dans un autre ordre d’idées, le budget 2022 a prévu plusieurs investissements dans le PTET qui totalisent 156 millions de dollars. Les mesures visent à améliorer la santé, la sécurité et la qualité de vie des travailleurs étrangers temporaires, notamment en augmentant la capacité de réduction du délai de traitement de demandes des employeurs. 

Les divers accords commerciaux du Canada à l’international facilite l’accès à de grands marchés en croissance. L’Accord économique et commercial global (AECG) permet aux entreprises canadiennes d’accéder aux 450 millions de consommateurs sur le territoire européen. Le Canada a aussi amélioré son accès au marché de l’Asie-Pacifique avec le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), soit à près de 500 millions de consommateurs. Toutefois, le libre-échange annonce une hausse de la compétition : l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) prévoit une hausse de 607 millions de dollars d’exportations américaines en produits laitiers et volaille vers le Canada, ce qui représente 2,69% des ventes canadiennes en 2019 selon Financement agricole Canada (FAC) 

Ainsi, les accords commerciaux constituent d’excellentes opportunités pour accéder à des marchés en croissance, toutefois cet accès n’est pas garanti. Les entreprises sont encore confrontées à la validation les équivalences de certifications, les quotas et les permis d’importation. Les contraintes sur les OGM et la composition des produits sont aussi des variables qui complexifient l’accès aux marchés dans les zones de libre-échange. 

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Le marché mondial agroalimentaire en croissance 

D’ici 2050, la demande agricole sera de 50% supérieure par rapport à 2013 selon la Table sectorielle de stratégie économique sur l’agroalimentaire. La remise du choc pandémique a causé des pressions inflationnistes qui perdurent. Les sécheresses et les autres événements météorologiques extrêmes contribuent à déséquilibrer l’offre et la demande. La somme de ces facteurs fait en sorte que la croissance du secteur agricole et agroalimentaire du Canada est une priorité pour demeurer compétitif.  

En 2021, l’ensemble du système d’agriculture et d’agroalimentaire : 

  • employait 2,1 millions de personnes; 
  • fournissait 1 emploi sur 9 au Canada; 
  • a généré 134,9 milliards de dollars (6,8 %) du PIB du Canada. 

Selon AAC, en 2021, les transformateurs d’aliments et de boissons généraient 33,2 milliards de dollars du PIB (1,7%) et 303 100 emplois. L’agroalimentaire constitue également le secteur manufacturier le plus important au pays, soit 17,8 % du PIB des activités manufacturières.  

Le Canada compte, certes, sur un grand nombre d’avantages qui aident les entreprises agroalimentaires dans l’objectif de croissance. Néanmoins, plusieurs obstacles se dressent devant l’industrie pour demeurer compétitive dans un contexte où les marchés sont de plus en plus accessibles. Malgré sa richesse de ressources en terre et en eau, la numérisation et l’automatisation de l’industrie tirent de l’arrière par rapport à d’autres pays. Les entreprises sont à la recherche d’expertise pour développer durablement le secteur et de main-d’œuvre qualifiée pour opérer ce virage. Les mutations du marché appellent à de plus grands efforts pour répondre à ces enjeux et devenir chef de file en matière de durabilité.  

Le grand défi qui se pose devant la chaîne de valeur agroalimentaire canadienne est l’adaptation. Les facteurs de pressions qui incitent à investir des ressources financières et humaines dans l’automatisation et la numérisation sont nombreux. Les éléments qui entravent le développement durable sont également multiples. Le processus de changement pour l’industrie requière donc une grande planification, accompagnée d’une expertise diversifiée. 

Le parcours transformationnel est un processus qui profite d’une expertise transversale et multidisciplinaire. Bien que le processus soit exigeant, le recours à la pluralité des expertises tout au long de la transformation au lieu d’une démarche cartésienne qui fragmente ces diverses expertises contribue à offrir un service-conseil à haute valeur ajoutée.

 

Téléchargez les perspectives d’industrie agroalimentaire pour mieux saisir l’impact des accords commerciaux sur l’ensemble du secteur.