Je change donc je suis!

Avez-vous déjà eu à gérer un changement, pour lequel vous avez anticipé, listé, communiqué chaque composante et, malgré tous vos efforts, vous n’avez pas réussi à susciter l’adhésion? Avez-vous dû faire face à des formes de résistance ou de refus de la nouvelle solution de la part de vos employés, alors que votre projet s’annonçait prometteur et facilitateur?

Le chaînon manquant se situait probablement dans votre analyse d’impacts!

Lors de l’intégration d’une nouvelle solution, beaucoup de professionnels effectuent des analyses d’impacts, qui vont servir à détailler tous les changements (processus, organisationnels, technologiques, rôles et responsabilités, environnement physique de travail et bien d’autres.).

Mais qu’en est-il des aspects culturels et de la norme sociale? En effet, dans le cadre de ce processus analytique, les facteurs humains et émotionnels, résidant dans le concept de norme sociale, sont souvent négligés.

 

Comment définir une norme sociale?

Les normes sociales sont des règles explicites (comme la Loi) ou implicites (comme la politesse) qui régissent la régularité d’un groupe et font l’objet de sanctions en cas de non-respect ou de transgression (rejet, résistance). Au sein d’un environnement de travail, les règles explicites sont souvent perçues comme la face émergée d’un iceberg. Nous pouvons citer quelques exemples telles que la tenue vestimentaire, les pauses et les règles de vie commune. En contrepartie, les règles implicites sont beaucoup plus complexes. Il s’agit des « non-dits », la partie cachée de l’iceberg qui se trouve sous l’eau. Ce sont entre autres les habitudes, les valeurs « réelles », les règles d’interaction et la pensée collective.

Prenons un exemple, un directeur exécutif doit avoir un bureau fermé, avec une fenêtre donnant sur la plus belle vue (la pointe de l’iceberg), et cet emplacement définit son statut, son importance dans la hiérarchie et son échelle de valeurs (les « non-dits »). La résistance au changement ne réside pas dans la solution, mais dans la représentation de ce changement : « Je ne suis pas contre avoir un espace de travail ouvert, mais je suis contre la perte de mon statut et des avantages pour lesquels j’ai travaillé pendant toutes ces années. »

Bien sûr, la résistance s’exprimera souvent d’une façon différente : « J’ai des conversations confidentielles. J’ai besoin de stocker des affaires. Je fais mes réunions dans mon bureau donc j’ai besoin de calme, etc. ».

Que le changement soit positif ou plus contraignant, la norme s’instaure indépendamment de tout critère de vérité. Chaque organisation —  quel que soit son statut — possède ses propres normes, issues de son histoire et de sa culture d’entreprise, bâties depuis des années. Ce sont précisément ces normes qui peuvent parfois constituer des barrières à l’acceptation du changement. C’est pourquoi il est important de les rafraîchir et parfois les remettre en question. Depuis quelques années, nous assistons à une cassure et une redéfinition de plusieurs normes sociales (le passage de bureaux fermés à des bureaux ouverts par exemple, ou encore le télétravail, remplaçant la culture de présentéisme par celle de la performance et la flexibilité).

 

Quelles solutions pour connaître et agir sur ces normes?

Nous ne le dirons jamais assez, impliquez vos employés! Ce sont eux qui connaissent les normes de l’organisation, leurs conséquences sur leurs rôles, mais aussi les outils et ressources disponibles, et l’environnement de travail.

En amont de l’analyse d’impacts, prévoyez d’avoir des « représentants » de chaque partie prenante. Creusez les « non-dits », les représentations que les employés se font de la nouvelle solution et intégrez-les dans vos stratégies (plan d’actions, ressources humaines, communication interne, etc.).

Traduisez les changements technologiques ou organisationnels en impacts humains. En quoi votre changement risque-t-il de modifier la représentation que l’employé se fait de son statut au travail et de l’entreprise pour laquelle il travaille?

De cette façon, vous éviterez d’oublier des impacts, même minimes au départ, mais qui se révéleront d’une importance capitale pour changer. Vous aurez l’opportunité de connaître à l’avance ces normes sociales, et d’agir en conséquence, en les modifiant, en décidant de les contourner ou de les affronter.

 

La gestion du changement, c’est du concret!

Les méthodologies en gestion du changement comprennent généralement les mêmes activités de base : l’analyse des parties prenantes, l’analyse des impacts, la rédaction du plan de communication et de formation, la mobilisation des employés, etc. Il importe d’avoir une méthodologie pour suivre les étapes clés, pour avoir une base et surtout pour être guidé dans les différentes phases de projet. Cependant, il ne faut pas négliger les activités concrètes. Il faut savoir sortir de cette théorie pour être en mesure d’arriver à des actions tactiques et tangibles : des  actions à poser à court, moyen et long terme. Et ces actions doivent refléter les meilleures pratiques en termes d’alignement du leadership, d’alignement organisationnel, de communication et formation; mais surtout être contextualisées au changement implanté dans l’organisation.

Comment faire ?

Pour identifier des recommandations d’actions pertinentes, deux éléments sont particulièrement à considérer : 1) la culture de l’organisation et 2) le contenu récolté suite à des rencontres et des entrevues auprès des principales parties prenantes et du promoteur du projet (préoccupations soulevées, leçons apprises des projets précédents, etc.).

 

1)      Identifier les éléments représentatifs de votre culture 

La culture d’une organisation repose sur la somme des croyances et des comportements des employés de l’organisation. Ces croyances, comportements et actions des employés déterminent les résultats que l’organisation peut atteindre. Un véritable changement de culture nécessite de transformer la façon dont les gens pensent et agissent. Certains commencent à agir différemment et à valoriser différentes choses, et contaminent les autres à agir différemment et à valoriser ces nouvelles choses. Les moyens pour apporter du succès au groupe changent.

  • Exemple d’activité concrète :

On constate que les architectes de solution TI ont un impact majeur sur leurs collègues, de par leur relation étroite avec plusieurs autres départements. Culturellement, les employés perçoivent les architectes comme des modèles et sont portés à reproduire le comportement de ces derniers. Ainsi, l’action concrète qui devrait s’en suivre à court terme est une formation en gestion du changement pour les architectes sur leur rôle informel d’agent de changement.

 

2)      Confirmer les préoccupations et les risques, et identifier les éléments prioritaires sur lesquels travailler

Lors des entrevues avec les parties prenantes clés, plusieurs préoccupations, risques, leçons apprises sont soulevés. Il est important d’identifier ceux pour lesquels des actions sont prioritaires et de dresser un plan d’action concret pour y répondre.

  • Exemple d’activité concrète :

On constate que la fatigue organisationnelle suite à l’implantation de nombreux changements qui impactent les mêmes équipes est un risque pouvant grandement affecter le succès du projet.  Ceci a une probabilité élevée de réalisation, considérant le nombre élevé de changements simultanés. Ainsi, l’action concrète qui devrait s’en suivre à court terme est le développement d’un calendrier des changements majeurs, incluant leurs livraisons respectives. Cela permettra d’avoir une vue globale des impacts potentiels sur une même équipe (ou individu) et de développer une stratégie de gestion du changement intégrée.

En bref, les activités de gestion du changement doivent mener à des actions tactiques et tangibles au sein de l’organisation. Ainsi, ces actions concrètes contribuent réellement à faire une différence auprès des parties prenantes impactées par le changement, et ultimement à assurer le succès du projet.