Transformation numérique

L’évolution de la transformation numérique vue sur trois ans

Il y a 3 ans, dans un article paru dans le Harvard Business Review France, Gilles Babinet faisait une analyse rapide de ce qui freinait réellement les entreprises (les grandes) dans leur transformation numérique. Cette lecture nous semblait intéressante à faire sous deux angles. L’angle comparatif avec nos grandes entreprises en Amérique du Nord, et l’angle évolution de la chose depuis 2018.

Par Stéphane Ricoul

Si le rapport investissement vs résultats semble défavorable dans plusieurs projets de transformation numérique, et rappelons que pour le Canada seulement 59% des entreprises possèdent à la fois une planification financière de leur projet de transformation numérique & une planification stratégique (6% n’en détiennent aucun des deux), certains facteurs prédominent particulièrement.

Les facteurs prédominants

1- Le premier facteur porte sur l’organisation même du projet, qui bien souvent est déléguée à une personne ou une équipe au sein de l’entreprise au lieu d’être inclusive à l’ensemble des personnes de l’entreprise. Une façon de faire qui peut générer des tensions là où l’on devrait au contraire minimiser les points de friction et créer des moments de célébration. Le recours à des externes experts quant à lui, doit dépendre de la stratégie de l’entreprise et de la qualité des ressources en interne face à l’adoption du numérique. Une adoption qui est reconnue comme un véritable enjeu par 72% des entreprises au Canada.

2- Le second facteur porte sur l’approche que bien des entreprises utilisent dans leur projet de transformation. Une approche qu’elles connaissent bien (c’est rassurant). Une approche incrémentale. Et c’est là que le bât blesse. Dans la réalité, une transformation numérique porte très mal son nom puisqu’il s’agit en fait d’une transformation organisationnelle, qui voit le cœur même du modèle d’affaires dans l’obligation d’évoluer pour s’adapter à de nouveaux joueurs qui sont nés grâce aux technologies numériques. On comprend que bien souvent, un tel projet sera perçu comme une menace existentielle au sein même de l’entreprise s’il n’est pas accompagné d’une évolution de la culture d’entreprise.

3- Le troisième facteur fait le lien avec la pénurie de talents dans le domaine de la transformation numérique. Au banc des accusés, le système d’éducation qui oublie trop souvent le numérique dans ses programmes. Selon l’article de Gilles Babinet, la France semble s’illustrer en Europe, en étant la seule à ne pas s’être dotée (du moins en 2018) d’une grande école du numérique en enseignement supérieur. Sans doute là un autre point commun avec le Canada. L’accès à une main d’œuvre qualifiée est commun à 50% de nos entreprises dans leurs grands enjeux face à leur propre transformation numérique.

4- Enfin, le quatrième facteur (sans doute le plus difficile à surmonter) concerne cette dichotomie entre l’économie de marché telle qu’on la connait aujourd’hui, et l’économie numérique telle qu’on la subit. Deux poids, deux mesures, deux vitesses. Le problème porte sur le fait que l’une est en train de prendre l’ascendant sur l’autre, et que l’autre y résiste fortement car c’est son arrêt de mort si elle ne le fait pas. Une impasse qu’il va falloir dénouer. Si l’entreprise investit lourdement pour tendre vers une nouvelle économie qui est en changement perpétuel, autrement dit sans une cible particulièrement bien définie, alors les sanctions du marché économique actuel ne se feront pas attendre. « Ce point est d’autant plus contraignant qu’il est difficile, sinon impossible, de prédire l’aboutissement d’un plan de transformation numérique. » selon Gilles Babinet.

Évolution ou non?

Finalement, est-ce que la situation a grandement évolué depuis 2018 ? La réponse vous en conviendrez, peut se résumer facilement : « pas particulièrement ».

Est-ce qu’il existe ou non un ou des élément(s) différenciateur(s) entre la France et le Canada ? Là encore, la réponse est « pas vraiment ».

Mais la vraie conclusion, celle qui sera véritablement impactante, porte sur les cadres fiscaux et réglementaires, ainsi que sur les marchés financiers pour lesquels de véritables transformations sont à opérer. Comment s’y prend-t-on, sachant que l’économie mondiale fonctionne par silo (les marchés) alors que l’économie numérique se joue des frontières ? Une question qui donne bien des mots de têtes à nos dirigeants politiques, sortis tout droit de prestigieuses universités qui à leur époque, tout comme aujourd’hui, n’enseignaient pas ce qu’était le numérique.

 

 

Publié le 27.07.2021