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L’innovation dans les modèles d’affaires retour sur Téo taxi

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En septembre dernier Alexandre Taillefer et Jean-François Ouellet ont publié le livre Réinventer le taxi: les dessous de l’échec de Téo taxi. Dans ce livre, les auteurs relatent d’où est venue l’idée d’une entreprise de taxi basée sur l’intelligence artificielle, les voitures électriques et assurant une rémunération adéquate de ses chauffeurs. Notre directeur marketing et partenariats, Stéphane Ricoul, s’est entretenu avec les auteurs de ce livre le 28 octobre dernier dans le cadre du premier Open-mic d’une série de trois en collaboration avec La Presse.

Locomotive d’innovations: un modèle d’affaires

Le modèle de Téo taxi innovait à deux niveaux, technologique et modèle d’affaires. Plusieurs facteurs ont toutefois fait en sorte que malgré les bonnes idées, trop c’est parfois comme pas assez en termes d’innovation dans un cadre entrepreneurial.

Modèle ancré dans la technologie

L’entreprise, pensée comme une plateforme, permettait l’inclusion d’un maximum de points de contacts entre elle et le consommateur afin de le conserver le plus longtemps possible dans son écosystème, de la commande de service à l’évaluation finale du service, en passant par le paiement, la géolocalisation du consommateur ou la gestion de l’attente via celle du chauffeur et du déplacement de la voiture. Cette logique de plateforme aurait pu être poussée encore plus loin en allant jusqu’à utiliser l’application pour recenser les zones de construction, la météo, les évènements culturels ou sportifs, etc., en informer le consommateur via l’application, mais surtout, optimiser les affectations des véhicules, leurs déplacements et leur maintenance.

Ce modèle innovateur d’un point de vue technologique, était mis en œuvre grâce à la récolte et l’exploitation de données via un algorithme. Selon Alexandre Taillefer, Téo taxi ne manquait pas forcément de données, même si en avoir plus aurait aidé, mais c’est l’exploitation du potentiel de ces données qui n’était pas suffisant optimisée selon Jean-François Ouellet. Il explique que les données étaient la pierre angulaire du modèle de Téo taxi, et si l’achat de Taxi Diamond a bel et bien permis d’en recueillir une grande quantité, en revanche il n’a pas été possible d’en créer suffisamment de valeur. C’est là que Téo taxi n’a pas su capitaliser sur cet actif (la donnée), puisque les efforts étaient trop divisés sur différents paliers d’innovations. Un algorithme prédictif efficace aurait pu être la clé du succès. Il aurait permis de présenter le bon service, au bon moment, au bon endroit, à la bonne personne.

On le sait, cette exploitation de la donnée par l’algorithme est devenue aujourd’hui une nécessité pour assurer la survie des entreprises et pour permettre leur expansion. Rendu à un certain niveau de maturité, si elles ne le font pas, elles laissent la place à la compétition de prendre avantage de cette faiblesse.

Modèle disruptif

Le modèle d’affaires de Téo taxi était innovateur de façon général.

Il “disruptait” l’industrie du taxi en présentant une alternative écologique et électrique dans société où la conscience environnementale pèse de plus en plus pour le consommateur, permettant entre autres de réduire les coûts de carburant (les frais d’essence représentent environ 30 % des frais de roulement pour un taxi).

Il proposait une rémunération descente dans une initiative de nouvelle équité sociale et dans un contexte industriel d’économie de partage. Mais malgré la bonne intention de cette initiative, les réalités au niveau des taxes sur le salaire ont fait en sorte que ce n’était finalement pas intéressant à court terme pour les chauffeurs, du moins, en perception. De plus, avec le recul, le manque de gestion du changement n’a pas aidé, mais comme l’explique Alexandre Taillefer, personne ne pouvait prévoir une croissance aussi rapide de l’entreprise.

« At first we take Manhattan, then we take Berlin »

Alexandre Taillefer et Jean-François Ouellet utilisent à deux reprises dans l’Open-mic des paroles de Cohen pour illustrer les causes d’échec de Téo. On comprend que l’entreprise a voulu en faire trop, et trop rapidement. Un d’état d’esprit d’urgence, une peur de manquer l’opportunité. Un post mortem qui met en valeur l’importance de bien cibler ses efforts d’une part, et que l’échec n’est pas à craindre d’autre part. Jean-François Ouellet explique qu’en entrepreneuriat il faut d’abord y aller par itération, “fail early and fail fast”. Il faut également envisager tous les risques possibles et prévoir des contingences dans tous les cas qu’on identifie.

Le contexte économique dans lequel s’est développé Téo en est un très particulier où l’économie est entièrement du ressort du consommateur. Il y existe un “loop-hole” dans le cadre réglementaire qui encadre cette économie comme le soulève Alexandre Taillefer. Il fait en sorte par exemple que la rémunération n’est pas régulée de la même façon qu’ailleurs. Il est très clair pour messieurs Taillefer et Ouellet que la réglementation dans cette industrie doit être revue par les instances décisionnelles.

« Un des problèmes qu’on a aujourd’hui est qu’on est en train de ressentir les impacts d’une iniquité galopante qui s’est accentuée dans les vingt dernières années. » D’une part Alexandre Taillefer nous avertit face à ses iniquités, mais également donne un message d’espoir face aux consommateurs de demain qui émergent tranquillement dans l’écosystème économique. Un consommateur avec une conscience environnementale, qui cherche un produit équitable, et de qualité.

Publié le 20.11.2020