Les données, une richesse sous-exploitée par nos entreprises

Tandis que les marchés économiques dans lesquels évoluent nos entreprises ont vu leur activité ralentir considérablement, la croissance des géants du numérique (les GAFA) s’est accentuée comme jamais auparavant grâce à une parfaite maîtrise de leur environnement.

par Olivier Laquinte

Alors que la transformation numérique pour une grande majorité de nos entreprises semble correctement amorcée, les données numériques quant à elles, restent peu exploitées.

Même s’il n’existe pas de définition commune de l’économie numérique, il est reconnu que celle-ci représente de 4.5% à 15.5% du PIB mondial. Le passage d’une entreprise vers un modèle d’affaires numérique offre donc l’avantage de pouvoir créer et capter de la valeur. Ces données numériques sont aujourd’hui générées par nos activités personnelles, sociales et transformées en information par les entreprises, et constituent une nouvelle base économique. En revanche, il faut comprendre que d’ici à 2025, 65% des données seront créées par les entreprises (à comparer à 45% en 2012) et vont croitre de 42% par an sur les années à venir. Malgré cette progression importante du volume de données, nos entreprises n’exploitent qu’une faible proportion de ces données, à hauteur de 32%.

Ce retard important, s’il n’est pas adressé en urgence (notion de burning plateform), accentuera considérablement les difficultés pour les entreprises à saisir adéquatement les occasions offertes lors de la sortie de crise actuelle, faute d’avoir su capitaliser sur les technologies et les données afin d’aller chercher l’agilité nécessaire. Redoutables outils d’aide à la prise de décision et d’optimisation des fonctions d’entreprises, la capacité d’analyse des données est désormais un prérequis pour rester compétitif, et fait en sorte que l’entreprise ne fait plus du numérique mais devient numérique. Une chaîne de valeur entièrement nouvelle s’est créée autour d’entreprises qui contribuent à la production d’information à partir de données numériques.

Cependant, si 94 % des entreprises considèrent leur transformation numérique comme importante, 28 % d’entre elles estiment en revanche qu’elle est non urgente. Ces écarts importants dans la perception de l’importance et de l’urgence des projets de transformation se traduisent à la fois dans l’existence ou non d’un plan d’investissement et dans celle d’une planification de la transformation numérique (6 entreprises sur 10 détiennent les deux, une sur quatre ne possèdent que l’un ou l’autre et 6 % ne détiennent aucun des deux).

Face à la nécessité d’accélérer leur transformation pour éviter de se mettre en danger et ainsi adopter une culture numérique à grandeur de l’entreprise, 57% des entreprises craignent que le volume de données augmente trop vite avant que leurs organisations puissent s’y être préparées correctement. Et comme si les choses n’étaient déjà pas assez compliquées, 66% d’entre elles affirment que plus de la moitié de leurs données numériques sont non traitées, déstructurées, voire inconnues.

Les entreprises n’ont pas d’autre choix donc que de réfléchir à leur modèle d’affaires numérique (Digital Business Model) afin de leur permettre d’évoluer sous deux aspects : le contrôle de la chaîne de valeur de leur secteur d’activité, et le passage d’une compréhension floue à une compréhension plus fine des besoins des clients finaux. L’objectif ultime consistant à mettre en évidence ce qui est nécessaire pour passer à un modèle numérique à forte valeur ajoutée, et ainsi intégrer les chaînes de valeur de l’économie numérique. Car si les producteurs de données numériques jouent un rôle fondamental dans le processus de création de valeur, ils n’ont qu’un pouvoir de négociation limité face aux plateformes numériques, elles-mêmes en bien meilleur posture pour capter cette valeur.

 

 

Marketing et Technologie de l’Information (T.I.) : comment briser les silos?

Le jeudi 4 avril Talsom participait à la journée Data Marketing organisée par Infopresse. Notre président Olivier Laquinte a eu la chance d’animer un panel de discussion autour de la collaboration entre le Marketing et les T.I. et sur la façon dont nous pouvons créer un écosystème de données partagés entre ces deux départements.

Ce qu’on remarque souvent dans une organisation c’est que d’un côté il y a les T.I. et de l’autre, le Marketing, et que ces deux fonctions-là ne se parlent pas beaucoup en alors que toutes deux génèrent et utilisent chaque jour une grande quantité de données. Quoi de mieux pour trouver des solutions que de nous entretenir directement avec des professionnels du Marketing et des T.I.? Aux côtés d’Olivier, Tracy Smith Vice-président principal, Marketing et Innovation chez Ivahnoé Cambridge, Denis Gagnon Vice-président T.I. chez Quincaillerie Richelieu et enfin Eric Leboeuf, Directeur T.I. du Groupe St-Hubert.

Olivier Laquinte, Tracy Smith, Denis Gagnon, Éric Leboeuf à l'événement infopresse, Data Marketing le 4 avril 2019

« La donnée est à la base de notre capacité à innover »  – Olivier Laquinte

Souvent le Marketing est associé à la créativité dans nos organisations et les T.I. à la structure et la livraison de projet en mode séquentiel. Or, les deux doivent collaborer ensemble pour être capable de générer de l’innovation.

O.L : Comment vivez-vous cette dualité-là au sein de votre organisation? Comment travaillez-vous les uns avec les autres?

T.S : Chez nous les rôles sont assez clairement définis. Tout ce qui est relation technologique d’un point de vue consommateur est géré par le Marketing. Je crée un système client transactionnel et je dois m’assurer d’intégrer les T.I. régulièrement pour gérer la sécurité, mais aussi l’infrastructure d’hébergement et les bases de données. La relation se fait de façon assez simple.

D.G : De notre côté ce n’est pas si clair que cela. Du fait de notre domaine du B2B, on se rend compte qu’il y a un gros manque entre les données de Ventes qui est plus la partie Marketing et la partie opérationnelle de la gestion des coûts. Notre réel défi est alors d’avoir l’ensemble de l’information dans la même structure de données pour être capable de couvrir l’ensemble des opérations de l’entreprise.

Les données marketing sont la base du fondement d’une organisation, mais si vous souhaitez les étendre au niveau des opérations ça prend des T.I. Nous, les T.I., nous gérons la sécurité et le Marketing doit avoir accès à leurs informations pour faire leurs analyses. C’est pourquoi la communication entre les deux entités est super importante, les T.I. doivent avoir un certain contrôle (pour la sécurité) sans enlever le contrôle du Marketing.

E.L : Chez nous, le Marketing ne voulait pas avoir la lourde responsabilité de la sécurité, tout simplement car nous sommes une cible de choix dû à nos nombreuses transactions par carte de crédit. Les équipes Marketing sont les propriétaires du produit et nous travaillons toujours en équipe pour nous assurer que tout est sécurisé, que nous avons les bons partenaires pour avoir les bonnes plateformes agiles, et que tout cela s’intègre bien dans notre plan de relève et de gestion des risques.

O.L : Qui a la responsabilité de la gestion des données dans votre organisation ?

E.L : Chacun des départements est responsable de ses propres données. Mais plus précisément, le Marketing doit s’assurer de la qualité et de l’élasticité des données et nous (les T.I, nous devons nous assurer que les plateformes en place sont sécuritaires, performantes et agiles pour que le Marketing lance ses campagnes. C’est comme une équipe de Formule 1, nous on assemble l’auto et nous ajustons les pièces autant de fois qu’il le faut jusqu’à qu’elle ait la bonne accélération.

D.G : Chez nous la gestion des données est essentiellement tournée vers le Marketing. Nous amenons petit à petit les données vers les T.I. car nous travaillons avec plusieurs partenaires pour nous assurer que la structure de données soit fonctionnelle.

T.S : Actuellement j’ai de la donnée au niveau Marketing mais il faut impérativement que ça se rapproche avec les T.I. car il n’est pas question que les données vivent dans deux systèmes différents. J’en suis à l’étape où je veux savoir comment en un clic je peux rapprocher de l’information et avoir un impact.

Équation marketing x TI = innovation
O.L : Que pensez-vous du rôle du Chief Data Officer ? Peut-il être un point entre les fonctions d’affaires/Marketing et les fonctions T.I. ?

D.G : Selon moi, le plus important c’est de créer un lien de confiance et une vraie relation entre les T.I. et le Marketing pour aider à mieux comprendre les besoins et briser ce mythe selon lequel « Les T.I. ne comprennent rien à la business ». La meilleure approche c’est d’amener ces deux parties à travailler ensemble sans justement avoir besoin d’intermédiaire.

E.L : Nous n’avons pas ce genre de rôle au sein de notre groupe car nous avons une philosophie selon laquelle l’utilisateur de la donnée devrait comprendre la donnée. Nous avons donné le pouvoir de la qualité et de la compréhension de la donnée au consommateur principal de cette donnée, d’où l’importance que chaque département que ce soit Ventes, Marketing ou Opérations ait une bonne compréhension de ses outils.

T.S : J’ai un point de vue un peu nuancé sur la question. Je pense que cette fonction du CDO dépend du degré de maturité de l’entreprise. Il y a une culture de la donnée à créer pour faire comprendre l’utilité de la donnée et sa compréhension, et cette culture-là ce n’est pas toutes les organisations qui l’ont, du moins au début. Pour accélérer et créer cette culture, et créer ce momentum-là, il faut que tu amènes un visage, et ça pourrait être celui du CDO.

O.L : Selon vous, quel est l’élément clé à considérer afin de préparer les organisations à gérer le Big Data de manière efficace et pertinente?

E.L : c’est une question de culture d’entreprise et des personnes qui la gère. Il faut d’abord se connaître, savoir où on s’en va pour savoir quel genre de données on va utiliser et quelle image on va associer à cela. Après ça, la technologie entre en compte.

D.G : La clé c’est la qualité de l’information, peu importe les gens impliqués.

T.S : N’allez pas trop vite en pensant que l’objectif est fixe et que rien ne va changer. Lancez vous à travers des petits projets au début et ajustez-vous au besoin.

 

Où en sont les entreprises québécoises?

L’ère du numérique dans laquelle nous sommes se caractérise, entre autres, par la croissance exponentielle de la création de données massives. Mais bien plus qu’une multitude de chiffres, le Big Data transforme radicalement nos métiers, nos usages, nos pratiques d’entreprises ainsi que la façon dont nos clients consomment.  

L’engouement qui entoure actuellement le Big Data se reflète à travers les initiatives de plusieurs entreprises québécoises et canadiennes, à commencer par Canadian Tire. L’un des détaillants les plus achalandés du Canada figure parmi les leaders de l’industrie en termes d’implantation et d’investissements en analyse de données.  

Et pour preuve, son conseil d’administration avait approuvé il y a quelques années des dépenses de 300 millions de dollars pour investir dans des centres de données évolutifs à Winnipeg. Cet investissement va permettre à la compagnie de mieux affronter la concurrence grâce à l’exploitation du Big Data à des fins de marketing numérique. 

D’un point de vue consommateur, la chaîne d’épicerie Métro place quant à elle le Big Data comme une source de création de valeur via son application et son programme de fidélité Métro&Moi. L’algorithme utilisé permet d’analyser les comportements de consommation du détenteur de la carte et lui suggère des rabais et des coupons en fonction de ses habitudes de consommation. 

Un écosystème de recherche prometteur 
En dehors de la sphère commerciale, le Québec est aussi reconnu comme un pôle d’excellence en recherche dans le domaine du Big Data. En effet, la province compte un minimum de 2 100 spécialistes actifs dans cette technologie (concentrés à 88 % dans le Grand Montréal) et possède plusieurs pôles de recherche. Parmi ces derniers, nous retrouvons l’Institut de valorisation des données (IVADO) rassemblant près de 1000 scientifiques, l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA) ou encore le Centre de recherche en données massives de l’Université de Laval.  

L’enthousiasme entourant le Big Data amène toutefois son lot de défis pour les entreprises. En effet, une utilisation efficace des données et une bonne interprétation nécessitent de nouvelles aptitudes ainsi que l’implantation de nouvelles technologies à l’interne. Certaines expertises et changements organisationnels sont donc requis si l’entreprise veut tirer un maximum de profit de cette nouvelle technologie.