Article rédigé par Paul Léné – Consultant IA & Stratégie technologie
L’intelligence artificielle est partout. Pourtant, une question centrale demeure : que voulons-nous vraiment en faire ? En 2025, l’IA ne sera plus une simple curiosité technologique, mais le miroir de nos choix : est-ce une aide pour alléger nos tâches ou une machine qui contrôle nos vies ? Ce futur, nous devons le préparer dès aujourd’hui, avec intelligence et responsabilité.
Agents IA : une autonomie encore fragile
Parmi les innovations les plus attendues, il y a ce qu’on appelle les agents IA. Ces outils vont bien plus loin que les chatbots ou assistants vocaux que nous connaissons. Ils promettent une forme d’autonomie : planifier des tâches, anticiper des besoins, s’adapter aux imprévus.
Imaginez ceci : au lieu de dire à votre assistant vocal « commande un bouquet de fleurs », vous pourriez dire : « Fais livrer un cadeau à mon ami hospitalisé ». L’agent, seul, identifierait le cadeau idéal, génèrerait la commande et confirmerait la livraison, tout cela sans interactions supplémentaires.
En théorie, cela semble magique. En pratique, nous n’y sommes pas encore. Les technologies actuelles manquent de véritable capacité d’adaptation. Un agent IA peut suivre un script, mais ne sait pas encore improviser face à l’imprévu. Prenez l’exemple d’un paiement refusé : un agent classique pourrait se bloquer. Un véritable agent intelligent, lui, proposerait une alternative (nouvelle carte, autre méthode de paiement).
Derrière cette autonomie apparente se cachent des défis techniques immenses : gérer l’erreur, planifier à long terme, coordonner plusieurs tâches. En 2025, nous verrons des progrès significatifs dans ces domaines.
Une IA pour tous : démocratisation ou fracture ?
Ce qui me fascine le plus avec l’IA, c’est sa capacité à se démocratiser. Aujourd’hui, vous n’avez pas besoin de savoir coder pour automatiser une tâche.
Prenez un artisan boulanger. En principe, avec l’IA, il peut anticiper ses besoins en matières premières en fonction des commandes passées. Il peut répondre automatiquement aux demandes de ses clients ou même planifier ses livraisons de manière optimale.
Mais voici le problème : tout le monde n’a pas encore conscience de ces possibilités. Et parmi ceux qui le savent, beaucoup hésitent à se lancer, faute de formation ou d’accompagnement. Cette situation crée une fracture.
Je suis convaincu que nous devons investir massivement dans la formation. Apprendre à rédiger un prompt ou à analyser des données deviendra aussi indispensable que maîtriser un logiciel de bureautique.
Par ailleurs, aujourd’hui, l’IA semble surtout répondre à des besoins « intellectuels » : automatisation des tâches administratives, optimisation des processus métiers, production de contenu.
Ce focus suscite une critique légitime : pourquoi l’IA ne s’attaque-t-elle pas à des tâches plus physiques ou manuelles ? Joanna Macijewska a résumé cette frustration :
« Je veux que l’IA fasse ma lessive et ma vaisselle pour que je puisse faire de l’art et écrire, et non que l’IA fasse mon art et écrive à ma place pour que je puisse faire ma lessive et ma vaisselle. »
Si cette intelligence artificielle est capable de générer des œuvres d’art ou de rédiger un article, pourquoi ne pas la diriger vers des usages plus concrets, comme l’entretien domestique ou des systèmes d’assistance dans les métiers manuels ?
Les peurs liées à l’IA, toujours présentes
Cela conduit à une autre grande peur liée à l’IA : elle va « faire disparaître » certains emplois. La vérité est bien plus nuancée, et nous en parlions déjà dans le dernier Radar.
Un exemple concret : Klarna, une société suédoise spécialisée dans les solutions de paiement, utilise l’IA dans son service client.
Les résultats parlent d’eux-mêmes : 40 millions de dollars économisés par an et une automatisation équivalant à la charge de 700 postes dans leurs centres d’appels. Mais voici ce qui rend ce cas spécial : les licenciements ont été marginaux.
Klarna a utilisé l’IA pour prendre en charge les demandes les plus simples et répétitives, libérant ainsi ses employés pour qu’ils se concentrent sur les cas complexes et stratégiques.
L’IA responsable, telle qu’on peut l’envisager pour l’avenir, n’est pas seulement une question de réduction de coûts, mais d’évolution des rôles, d’enrichissement des missions et de valorisation des collaborateurs.
L’autre crainte, plus existentielle, est que l’IA empiète sur des terrains que l’on considérait jusqu’à présent comme exclusivement humains, comme l’art, la musique ou l’écriture. Les outils génératifs, comme DALL·E ou ChatGPT, peuvent composer des morceaux, rédiger des livres ou créer des visuels impressionnants.
L’IA risque-t-elle de remplacer l’humain dans ses capacités les plus créatives ? Pas nécessairement. Ce qui fait la richesse de l’art ou de la création humaine, ce n’est pas seulement le résultat, mais l’histoire, les émotions, et la personnalité qui s’y expriment. Une œuvre créée par une IA est fascinante techniquement, mais elle n’a pas d’âme.
Plutôt que de s’opposer à l’IA, nous devrions envisager une cohabitation. L’IA peut devenir un outil puissant pour augmenter la créativité humaine, pour inspirer, pour explorer des pistes nouvelles. Cette vision est possible, mais elle nécessite une réflexion collective sur les usages de l’IA.
Ce sera à nous, en tant que société, de décider si l’IA renforcera les inégalités ou si elle les réduira. Cela commence par un développement inclusif, qui place l’humain — qu’il soit artiste, artisan ou employé de bureau — au cœur des priorités.
Entre érosion naturelle des compétences et dépendance technologique
Une question fondamentale émerge à mesure que l’IA s’intègre dans nos vies : que devient l’humain lorsque des compétences autrefois essentielles sont progressivement déléguées à la machine ?
L’exemple n’est pas nouveau. Au fil du temps, nous avons toujours abandonné certaines compétences jugées moins nécessaires. Combien d’entre nous savent encore chasser ou dépecer un animal pour se nourrir ? Ces « briques technologiques » disparaissent naturellement à mesure que de nouvelles solutions simplifient nos vies.
Ce phénomène, connu sous le nom de skill decay (érosion des compétences), va bien au-delà du monde de la tech. Il concerne toutes les sphères où l’IA intervient pour simplifier des tâches complexes.
Pourtant, je ne suis pas alarmiste. Perdre des compétences fait partie de notre évolution. Ce n’est pas parce que nous ne savons plus chasser ou cultiver que nous sommes incapables de vivre.
Il y a un équilibre à trouver. Les entreprises doivent encourager leurs équipes à se former régulièrement, pas seulement pour maîtriser de nouveaux outils, mais aussi pour entretenir les compétences fondamentales.
Le côté obscur de l’IA et les risques à surveiller
Comme toute technologie, l’IA a ses zones d’ombre. L’un des risques, c’est la désinformation via, par exemple, les deepfakes. Avec des outils capables de générer des textes, des images, voire des vidéos indiscernables de la réalité, la propagation de fausses informations devient une menace sérieuse.
La cybersécurité est une autre préoccupation majeure. Une IA mal conçue ou mal utilisée peut causer des dommages considérables. Et puis, il y a la question des biais algorithmiques : une IA formée sur des données biaisées reproduira ces mêmes biais, amplifiant potentiellement des discriminations existantes.
Mais il y a une autre face sombre de l’IA : son impact environnemental. L’entraînement des modèles d’IA nécessite des infrastructures gigantesques et des volumes massifs de calculs. Ces opérations consomment des quantités considérables d’énergie, souvent issues de sources non renouvelables. L’une de questions clés de 2025 sera alors : comment faire évoluer l’IA sans compromettre nos objectifs environnementaux ?
Pour limiter ces dérives, il est essentiel d’instaurer des régulations strictes. 2025 sera l’années d’initiatives juridiques et techniques pour répondre à cette part d’ombre : seront réfléchis des lois de régulations sur les deepfakes — comme il en existe déjà en Californie —, des Data centers durables, etc. La responsabilité incombe aussi aux entreprises, qui doivent intégrer des garde-fous dans leurs propres systèmes.
Horizon 2025 : la préparation comme clé
Si je devais donner un conseil direct aux dirigeants d’entreprise, ce serait celui-ci : n’attendez pas. L’intelligence artificielle n’est pas une mode passagère, vous l’avez compris.
Changer dans l’urgence est toujours coûteux : en temps, en ressources et en énergie. Et personne — ni les dirigeants, ni leurs équipes — n’apprécie improviser sous pression.
Alors, posez-vous dès aujourd’hui les bonnes questions :
- Quelles compétences humaines devez-vous cultiver dans vos équipes ?
- Quelles tâches peuvent être automatisées, et comment ?
- Comment intégrer l’IA de manière à enrichir les rôles plutôt qu’à les appauvrir ?
Soyons clair : les entreprises qui prennent le virage de l’IA dès maintenant seront celles qui resteront compétitives et attractives en 2025. Les autres risquent de se retrouver dépassées, en décalage avec leurs clients, leurs collaborateurs et le marché.
Vous réfléchissez à intégrer l’IA dans vos processus ou à structurer cette transition ? Échangeons pour définir une stratégie sur-mesure et durable.